top of page

L'histoire en cinq morceaux.

  "Papy, papy, tu nous racontes comment t'as rencontré mamie" Ah mes enfants! Je suis vieux et pourtant je trouve encore grâce à vos yeux. C'est beau la vie, mais je vous en prie, ne m'appellez plus papy ça me rappelle mon vieil âge avancé. "Hey vieux débris, tu nous racon...." Papy les enfants, papy.

  L'histoire commence il y a fort longtemps, il faut remonter des décennies en arrière. "A l'époque des parchemins?" (Ils m'énervent ces gosses). Non pas si loin, un peu de respect. Tenez, venez vous asseoir, ça risque de durer une plombe. En ce début de siècle troublé, rien n'allez plus. Captain Beefheart était enterré avec ses disques, le renouveau du rock n'était pas pour maintenant. "C'est qui Captain machin?" Beefheart les enfants! M'enfin on vous élève avec quoi, bande de rats puants! "Hey mais papy..." Silence. Laissez moi vous raconter l'histoire de ce bluesman, Robert "Non papy, tu dois nous raconter ta rencontre avec mamie". Ah oui c'est vrai. Haha, c'était une boutade. Rangez donc vos yeux ébahis qui reflètent que trop bien l'ignorance de votre -espèce- génération.

  Ce siècle était troublé. Une génération entière détruisait les derniers piliers du rock à grands coups de cris de chiennes enragées. Des voix s'élevaient, brandissaient guitares furieuses et refrains assassins -Pete Doherty, Jack White- mais parfois cela ne suffisait pas. Les merdes assombrissantes touchaient plus le peuple. Cette raclure adolescente recevait la merde en pleine face et bouche, et l'avalait avec délectation. La pop édulcorée, faussement disco trop présente. Pas que ce soit la pire chose qui soit arrivée mais on voyait clairement que les jeunes, dont je faisais parti, avaient besoin de plus fort. Ok, Toy c'était bien. Mais j'en avais marre qu'ils m'enfoncent leurs tubes fluorescent dans le cul. Je voulais bouffer des briques et du béton noir, merci les Black Keys. "Mais papy, elle est où mamie?" Elle arrive, elle arrive, mon dieu. Arf, vous allez trop vite pour moi, tenez, écoutez, CRACK, ahhh mon dos.

  J'ai vécu l'ascension d'un style 2.0, musique informatique, absence d'instruments, voix retouchée, robotisation des sentiments. J'étais pour la musique et mon combat se faisait en secret, achetant toujours plus de CD, de vinyles à croquer, écoutant le vieux, prônant le renouveau par l'analogique.

  J'ai menti aux gens cachant mes véritables sentiments et répulsions, car malgré tout j'avais besoin de compagnie. Il est dur de vivre sans compagnie.

  J'ai réussi à me faire accepter, attrapant au vol de deux, trois copains dont je collais leurs oreilles aux baffles crachant du bon vieux son, blues, rock, soul, rap aussi, punk un peu. J'écoutais leurs trucs, en détestait la plupart, mais il faut avouer que parfois certains étaient bourrés de talent. Ceux qui en avaient beaucoup, n'étaient pas trop écoutés (Child of lov).

  Bref, à chaque soirées... "C'est long encore?" (Serre les dents, desserre les poings). Non mes enfants, j'y arrive. A chaque soirées, j'arrivais à glisser habilement un ou deux morceaux bien crado au milieu de leur jungle dégueulasse d'électro d'abattoir. C'est à une de ces soirées que j'ai rencontré mamie.

 

  La soirée était extra. L'alcool coulait à flots, bon nombre de mes amis étaient là et plein de gens que je ne connaissais pas, dont mamie. Merde, qu'elle était jolie. Elle n'avait rien fait pour s'embellir, pas comme la pouf qui vomissait déjà à côté de moi. "Mais papy on est trop jeune pour entendre ça" Mais non mes enfants, onze ans est l'âge idéal. Mais malgré tout c'était elle et/ou personne d'autre. Je le savais. Je le sentais. Elle. J'ai alors entamé la conversation avec elle, jouant de tous mes plus perfides atouts.

  C'était dans la poche. Elle m'inpressionnait beaucoup, elle était très jolie et elle me faisait rire. Mais un truc me les cassait sévère. Quelle musique de merde en fond, ça gâchait toute la sainte scène de la Séduction. Excuse moi darling je reviens. Clin d'oeil. 

  Je m'approchais en titubant de la chaîne hi-fi pour mettre un truc à moi, traversant alors le salon et la cuisine. Un mec restait devant le lavabo, ne sachant plus comment marchait un robinet d'eau, tandis qu'une fille se faisait cuire des oeufs avec des corn-flakes, et du savon. Dans le salon, une dame peut être, traversait la pièce à la nage. Ahh la chaîne hi-fi. Pendant mon projet de changer cette daube de mauvais goût, l'hôte de maison s'en vînt me voir pour parler. Un pain dans sa gueule fît l'affaire et je pu enfin mettre de la musique.

  "What is and what should never be" de Led Zeppelin. Sorti en 69, ce morceau allait convenir parfaitement à la situation. satisfait, j'allais rejoindre la belle. Elle m'attendait au milieu de la pièce, réclamant son slow. Quelle danse. Robert Plant nous chantonnait dans les oreilles et Jimmy Page nous faisait grâce de son talent. J'avais les yeux dans les siens, et je ne souriais plus du tout c'était très sérieux. On dansait d'un air grave. Amoureux. On profitait de ce que Robert gueule pour s'embrasser à pleine bouche. Quels moments. Au solo, elle avait sa tête sur mon torse, main droite dans ma main gauche, l'autre dans mon dos. C'était très sensuel. Je savais alors qu'à elle, je ne pouvais lui mentir. Dernier coup de gueule de Plant et guitare mortelle, tiraillant les tripes. On sautait ensemble en rythme secouant la tête, pour mieux se rejoindre à la fin du morceau, chacun sentant le coeur de l'autre battre sur sa poitrine.

 

  "Merci papy, c'était cool, un peu has-been mais..." Hep, hep mes petits, c'est pas fini. "Mais si on sait comment tu l'as rencontré maintenant." Non, non je l'ai rencontré deux fois. "Hein?" Allez, encore quatre et je vous lâche.

 

  Je savais qu'avec elle je pouvais parler de tout. Mon aversion pour les gens, qu'elle a réussi à faire disparaitre au fil du temps. Mes goûts musicaux, qu'elle ne partageait pas du tout (et qu'elle ne partage toujours pas mes enfants). Pour moi, un morceau résonnait très fortement. "Easy to be hard" de Three Dog Night. Les paroles étaient pour moi exactement ce que je ressentais, et elles refletaient sans nul doute la nature humaine. Qu'il est facile d'être méchant, qu'il est facile de dire non. Qu'il est facile d'être un homme. L'espèce humaine me dégoûtait un peu. "Mais papy c'est pas vrai ça hein?" Non mes enfants, j'ai vieilli et ma haine envolée, piouf, don't worry les kids! Et en plus ce morceau était beau. Tellement reposant, criant une horrible vérité en douceur, ayant plus d'impact. C'est vrai que le chanteur devait absolument raser cette horrible moustache mais ce morceau c'était le plus bel appel au secours. 

  J'ai aimé partager ce morceau avec elle et en parler. J'aimais beaucoup parler avec elle. La faire voyager dans mes plus folles pensées. Elle acceptait, aimante et douce. Mais trop jeune et donc trop con - ah oui ça j'étais con  wahla quel horrible petit con - j'ai fini par lasser mamie. J'étais devenu un salaud de première. Cette période était noire. Musicalement c'était le néant. J'avais essayé de vivre avec mon temps et j'étais devenu normal. La merde embrouillait mon cerveau, je ne réfléchissait plus correctement. C'est pour cela que papy n'avait plus mamie. "Mamie elle t'a laissé?" Non mes enfants, j'ai laissé mamie.

  Quand j'ai laissé partir mamie, j'étais d'une tristesse inconsolable. J'étais furieux et la rage m'envahissait. Je me suis mis à écouter beaucoup de blues alors, du vieux, du très vieux, du moyen vieux. J'emmerdais tout le monde avec mes références old: Blind Wille McTell, Son House, Albert King, Floyd Council, Pink Anderson, mes nouveaux potes quoi.

  Après deux trois ans de sevrage intense, je suis remonté au 60's, 70's. Encore malheureux, j'ai pu trouver deux morceaux qui m'ont consolé. Deux putains de morceaux qui m'ont aidé à remonter de cet enfer.

  "Stay with me" de Lorraine Ellison. 1966 de toute beauté. Ambiance soul à mort, un piano et une guitare qui marque le temps. Une batterie posée. Et la voix débarque, venue d'ailleurs. Grave et envoutante. Elle ne pouvait pas mieux exprimer la peine que je ressentais. Je n'étais plus seul. Encore en l'écoutant aujourd'hui j'ai des frissons qui me parcourent l'échine. Marqué à vie par ce fabuleux morceau. J'avais l'impression que Lorraine me prenait dans ses bras pour me faire le plus réparateur de tous les câlins.

  "Stay with me baaaaabyyyyyy" résonne encore, il est le morceau qui me file véritablement un coup de fouet extraordinaire.

  Le deuxième morceau est "The great gig in the sky" des Pink Floyd. Sorti en 1973 ce morceau reste encore à ce jour mon morceau préféré, toutes catégories confondues. Ce morceau me rappelle à chaque fois de vivre. Et mourir n'est qu'une étape. Le piano et la slide monopolisent le morceau pendant un peu plus d'une minute. Batterie et ... Plainte mortelle et douleur assourdissante. Quelle voix qui nous fait ressentir cela. On en oubliait de vivre avant de l'écouter. Maintenant ce n'est qu'un faible souvenir, merci Clare Torry et merci aux Pink Floyd.

 

  "Papy ça va?" Ah. Oui qu'il fait bon être jeune! Aimer pour combattre la mort. "Ouais mais toi t'es plus jeune papy" Mais tu vas la fermer oui!

  "Papy?" Oui. "Pourquoi tu nous racontes tout ça?" Hein? Quoi? "Ben tu as parlé des Pink Floyd et tu t'es endormi, pourquoi?" Ah... Ah? Mais non haha je faisais semblant haha, mais c'est bien d'être restés tous les trois! Alors de quoi on parlait? "De mamie" Ah oui, alors c'était un siècle très tumultueuxet j'ai rencontré mamie... "Mais on sait on veut la suite, ça tu viens de le dire!" Maudits gamins.

 

  J'ai fini par rencontrer de nouveau mamie. On avait bien grandit tous les deux. Elle était plus belle que jamais. Je voulais de nouveau la séduire mais mon plan n'allait pas marcher deux fois. Je devais être plus inventif, plus créatif que jamais. Le romantisme à fond! "You ain't alone" des Alabama Shakes m'a beaucoup aidé. Elle était folle du romantisme.

  Alors jouant mes dernières cartes, j'ai abattu mon as de coeur. Après midi joyeuse, ensoleillée, j'ai mis cette musique. J'ai attrapé mamie par les hanches et j'ai dansé avec elle. De nouveau vivant. Cela fait maintenant trente ans, ahhhhh mes petits.

 

  J'ai fini. "Ah merci papy, adios on se retrouve au dîner" Oui c'est ça, retrounez jouer, je reste avec mes souvenirs. Plus que jamais je me sens vivant, enfin acompli, avec mes amis - morceaux et titres - et cette femme tant rêvée.

  "And I am not frightened of dying." Surtout maintenant.

  • Wix Facebook page
  • Wix Twitter page

Max vous remercie. Parce qu'on est bien comme à la maison. Proudly created with Wix.com

bottom of page