
The Bloc-ROCK
Keziah Jones et sandwich jambon/fromage.
Je connais des types qui, avant de monter sur scène, prennent de la coke, boivent comme des trous, se font des lignes. Lui ( et le groupe ) il tourne à l'eau. C'est ça avoir des couilles.
Bon il doit bien y avoir quelques joints qui tournent ( on y reviendra ) mais rien de grotesque.
Pour affronter un concert de Keziah Jones, moi j'y vais avec un sandwich jambon/fromage, un grand verre de Coca dans la tronche et let's go!
Ambiance. Armé de ma plus belle chemise africaine ( confortable ) je me rends, une heure à l'avance, à ce concert qui s'annonce théâtral, fantastique, héroïque. Ce qu'on va voir là c'est du grand spectacle, funk/soul/blues, mélange des genres. Blufunk. Nouveau style inventé par notre ami et seul représentant à ce jour. Jeu à la guitare atypique, sans médiator, un peu manouche. Il gratte, slide, tape sur sa râpe. Cordes en nylon, feu d'artifice.
On s'attend à un concert haut en couleur. Ben ouais. Mais en fait c'était tout ça mais en mieux.
La salle commence à se remplir. Je vois beaucoup de visages ridés, de cheveux blancs. Putain mais ouais Keziah s'approche de la cinquantaine. C'est dingue. Si j'arrive à 45 piges avec autant d'énergie, de charisme encore, que lui, je serai largement heureux. Il a la pêche, la patate, la .... ( choisis ton fruit ). En attendant le début du concert je vais m'asseoir au fond de la salle. En quelques minutes, je me retrouve rayon troisième âge. Voyez la scène. Une trentaine de personnes, assisent, moyenne d'âge 50 ans ( je fais descendre la moyenne ne l'oublions pas ).
20h30. Début des hostilités. Un mec monte sur scène, tout seul, empoigne sa gratte et fait le show pendant une demie heure. Au début les acclamations sont timides, puis, talent oblige, la salle est de plus en plus enthousiaste face à Archie Sylvester. Faut admettre qu'il est bon.Il gratte comme un fou furieux, se démène, il est fort. Dernier morceau. "Oooooo". Les gens sont tristes. "Hey mais après c'est Keziah Jones qui vient!" dit-il avant de nous administrer une dernière dose fabuleuse.
Ah oui c'est vrai ça. on avait presque oublié.
( Yellow Dress - Archie Sylvester )
21h30. Enfin il déboule. Du monde afflue encore, la salle est putain de comble ( et finalement pas mal de jeunes aussi ), il fait chaud, les nanas enlèvent une couche, la tension monte. On sent du sexe, de la sensualité. Et puis ça pue aussi.
Donc, il déboule. Pas de regard, pas de parole. Chacun empoigne son instrument. Scène minimaliste. Une basse, une batterie, guitare. C'est tout. Le reste n'est que son.
Merde pendant une demie heure on touche pas terre. La basse te massacre l'estomac, la grosse caisse te fait décoller, et la guitare te malmène. Les morceaux s'enchainent, le jeu est rapide. Ca tient du génie. C'est monstrueux. Wahou tout le monde se calme! Les gens n'en peuvent plus. On a subi ( agréablement) tout ça. La salle est déjà épuisée.
Pas de répit. Keziah est un super héros maintenant et il le prouve. Ils reprennent mais plus calmement. Y a des sursauts mais dans l'ensemble on se la joue sensuel. La salle danse. Keziah s'amuse avec le public. On est le quatrième membre. C'est essentiel, tout le monde ressent l'ambiance.
Keziah est une machine infatigable. Il danse, drague ( c'est vrai que la brune était pas mal ), chante, joue, tape, crie, hurle. "Afro new wave" retentit enfin. Et c'est bon.
Il passe un moment seul sur scène. On est en tête à tête avec lui. Il nous sort le grand jeu. Il sait qu'on sait qu'il peut tenir la scène seul.
Fin du spectacle. Une heure trente de jouissance. Mais merde il manque un truc. Ah, attend... Paf! Et là tu sais pas pourquoi, t'en reprends plein la gueule. Keziah revient sur scène, ou plutôt Captain Rugged arrive sur scène. Ce que tu ne sais pas c'est qu'il va jouer que trois morceaux. Ce que tu ne sais pas non plus c'est que ça va durer une demie heure.
Premier morceau: c'est du rock funk pur. C'est encore du plus haut niveau. Captain Rugged en fait des tonnes. Et putain on aime ça. Pendant dix bonnes minutes tu prends une leçon de tout, prestation scénique hors norme, jeu de folie.
Ensuite s'en vient un morceau complètement foufou.Ligne de basse impec' et batterie au top. Keziah joue avec le public sans guitare. Sa cape vole au dessus de lui. "Dou bi dou ba dou bi dou bi dou ba da". Battle de celui qui arrivera à dire la phrase la plus bizarre. Il passe le micro devant certains mais il gagne toujours. Il reprend sa gratte. "Whou! Pass the joint!!" avec un rythme mortel. Il repose sa gratte. Même jeu pendant un bon quart d'heure. Pure folie.
Dernier morceau. "Rythm is love". Son plus gros succès. Les giens deviennent fous. On approche de l'orgasme.
Fin du show. 23h30. C'est bien on n'est pas venu pour rien. Le mot de la fin est pour Keziah, et en français, s'il vous plaît. Il nous explique pourquoi Captain Rugged. "Quand j'étais petit j'ai lu Tintin de Hergé. Et quand j'ai lu Tintin au Congo, j'ai vu comment les noirs étaient représentés dedans. C'est bizarre, mais moi c'est pas du tout l'image que j'avais des noirs!". Acclamations, bien sûr.
L'Afrique a aussi besoin de son super héros. Tout les héros qu'on voit sont blancs, issus du monde occidental. Keziah de par sa BD (!) et son CD veut relancer la donne. Vivre à Lagos est compliqué. Survivre à Lagos est encore plus dur. Mais, s'il y a bien une image que Keziah veut transmettre c'est que la vie est dure là bas, certes, mais les habitants eux sont surtout "rugged".
Keziah est quelqu'un de simple et de bon. Un chic type. A la fin t'avais deux choix. Soit tu rentais direct. Soit tu répondais à l'invit' de Keziah et tu restais papoter avec lui.
Magique.